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Les esclaves oubliés de l'ile Tromelin

L'histoire incroyable d'une soixantaine d'esclaves, abandonnés sur un atoll désert de l'Océan Indien.
Les huit survivants ont été retrouvés 15 ans plus tard...

Le 31 juillet 1761, "L'Utile", navire négrier de la Compagnie des Indes, coule sur les récifs du minuscule atoll sablonneux de Tromelin, perdue dans l'océan Indien.
A bord : quelque 60 esclaves malgaches et 120 hommes d'équipage.
Une embarcation de fortune est construite avec les restes de l'épave.
Elle repart sans les esclaves...

Les Français leur avaient promis qu'ils viendraient les chercher dès qu'ils auraient rejoint Port-Louis à l'île Maurice (alors appelée île de France).
Furieux de voir arriver les naufragés, le gouverneur Desforges-Boucher "refusa tout net d'envoyer un navire de secours" pour secourir les esclaves restés à Tromelin.
Ce n'est que 15 ans plus tard, en 1776, qu'une corvette viendra récupérer les huit survivants : sept femmes et un enfant de huit mois.
Cette incroyable affaire a soulevé quelques protestations parmi les intellectuels du temps, notamment Bernardin de Saint-Pierre, qui écrivit le fameux "Paul et Virginie".

Une pile sur le passage de cyclones
Les deux auteurs de "Tromelin, l'île aux esclaves oubliés", deux archéologues, nous racontent pas-à-pas cette histoire sortie des sables : la construction et l'armement du bateau, son naufrage, le séjour des naufragés, l'oubli des esclaves, comment ils ont vécu.
Mais aussi le contexte historique : la colonisation de Madagascar et des îles de la Réunion et de Maurice, la traite intensive (autorisée ou non) des populations locales, source de rapports considérables pour les représentants officiels du royaume de France et les trafiquants...

Deux campagnes archéologiques, menées en 2006 et 2008, ont permis de mieux comprendre comment les esclaves abandonnés ont réussi à survivre sur un minuscule atoll sablonneux battu par les vagues et fréquemment ravagé par les cyclones.
"Ces missions étaient parmi les toutes premières à aborder l'étude" du phénomène "de la survie", indiquent les auteurs.
Dans le même temps, elles avaient pour objectif d'aborder "l'histoire de la traite et de l'esclavage dans l'océan Indien".
Des fouilles sous-marines ont par ailleurs permis de cerner les circonstances du naufrage.

Science et émotion
Les résultats de ces recherches et des études scientifiques (entreprises à la suite des fouilles et dont les auteurs font la synthèse) sont à la fois très passionnantes et très émouvantes.

Elles montrent aussi jusqu'où les chercheurs peuvent aller !
L'étude de l'émail dentaire de deux squelettes retrouvés sur place a ainsi permis de déterminer que les deux individus concernés "n'ont pas grandi à Tromelin"...
"Le prélèvement effectué sur le premier individu porte un enregistrement de sols véritablement volcaniques, au contraire du second, ce qui traduit un lieu de naissance différent (...) et une arrivée à Tromelin après l'âge de six ans".