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La Societé du spectacle (Guy Debord - 1973)

On estimait généralement, jusqu’à présent, que le cinéma était tout à fait impropre à l’exposé d’une théorie révolutionnaire.
On se trompait.
L’absence de toute tentative sérieuse dans cette direction découlait simplement de l’absence historique d’une théorie révolutionnaire moderne pendant la quasi-totalité de la période au cours de laquelle s’est développé le cinéma ;
et simultanément du fait que les possibilités de l’écriture cinématographique, malgré tant de déclarations d’intention de la part des auteurs et de tant de satisfaction feinte de la part du public malheureux, n’ont encore été elles-mêmes que très petitement libérées.

Publié en 1967, La Société du spectacle est un livre dont l’apport théorique a grandement marqué le nouveau courant de critique sociale qui sape maintenant, de plus en plus manifestement, l’ordre mondial établi.
Sa présente adaptation cinématographique, elle aussi, ne se propose pas quelques critiques politiques partielles, mais une critique totale du monde existant, c’est-à-dire de tous les aspects du capitalisme moderne, et de son système général d’illusions.
Le cinéma fait lui-même partie de ce monde, comme un des instruments de la représentation séparée qui s’oppose à la réalité de la société prolétarisée, et la domine.
Ainsi la critique révolutionnaire, en se portant sur le terrain même du spectacle cinématographique, doit en renverser le langage : et se donner une forme elle-même révolutionnaire.
Le texte et les images de ce film constituent un ensemble cohérent ; mais les images n’y sont jamais la simple illustration directe de son propos — et d’autant moins une démonstration (« démonstration » qui d’ailleurs, au cinéma, n’est jamais recevable, du fait des infinies possibilités de manipulation qu’offre tout montage unilatéral de documents).

L’emploi des images est ici orienté par le principe du détournement, que les situationnistes ont défini comme la communication qui peut « contenir sa propre critique ».
Ceci est vrai pour l’utilisation de quelques séquences de films préexistants et des actualités, ou même pour des photographies filmées, qui avaient déjà été publiées ailleurs.
Ce sont les propres images par lesquelles la société spectaculaire se montre à elle-même, qui sont reprises et retournées : les moyens du spectacle doivent être traités avec insolence.
De sorte que, d’une certaine manière, dans ce film le cinéma, à la fin de son histoire pseudo-autonome, rassemble ses souvenirs.
On pourra donc voir ceci à la fois comme un film historique, un western, un film d’amour, un film de guerre, etc.
Et c’est également un film qui, comme la société dont il traite, présente nombre de traits comiques.
En parlant de l’ordre spectaculaire, et de la souveraineté de la marchandise qu’il sert, on parle aussi bien de ce que cache cet ordre :
les luttes de classes et les tendances à la vie réelle historique, la révolution et ses échecs passés, et les responsabilités dans ses échecs.
Rien dans ce film n’est fait pour les Grandes-Têtes-Molles du cinéma de gauche :
on y méprise également ce qu’ils respectent, et le style dans lequel leur respect se manifeste.

Celui qui est capable de comprendre et de condamner toute une formation économique-sociale, la condamnera jusque dans un film.
Que l’on ne nous parle pas d’extrémisme, on nous fera plaisir : l’histoire présente est bien près d’aller au-delà.
Il suffit d’entreprendre une critique sans concessions pour que des thèses qui, jusqu’à ce jour, n’avaient jamais été exprimées au cinéma, y surgissent dans une forme jamais vue.
Pour que le cinéma, d’un point de vue socio-économique, soit réellement capable d’une telle liberté il faut évidemment renoncer à toute prétention de contrôler préalablement, de quelque manière que ce soit, le réalisateur, en lui demandant d’établir un synopsis ou en cherchant à obtenir de lui toute autre sorte de vaine apparence de garantie.
C’est ce qui a été reconnu par contrat entre l’auteur et la société Simar Films :
« Il est entendu que l’auteur accomplira son travail en toute liberté, sans contrôle de qui que ce soit,
et sans même tenir compte de quelque observation que ce soit sur aucun aspect du contenu ni de la forme cinématographique qu’il lui paraîtra convenable de donner à son film ».

Ce film exposant lui-même ce qu’il veut dire d’une manière suffisamment compréhensible, le producteur et l’auteur estiment qu’il sera inutile de fournir ultérieurement plus d’explications.
(Extrait de la brochure éditée pour la sortie du film La Société du spectacle, le 1er mai 1974.)

Guy Debord – Critique de la séparation (1961)
Guy Debord (1931-1994)
Guy Debord (1931-1994) est un écrivain, essayiste, cinéaste et révolutionnaire français,
qui a conceptualisé ce qu’il a appelé le « spectacle » dans son œuvre majeure La Société du spectacle (1967).
Il a été l’un des fondateurs de l’Internationale lettriste (1952-1957) puis de l’Internationale situationniste (I.S.) (1957-1972), dont il a dirigé la revue française.
Film composé d’enchevêtrement d’images (comics, photos d’identité, images détournées provenant d’autres films) qui se succèdent en subissant la surcharge de nombreux sous et sur-titres difficiles à lire.
La caméra navigue entre images d’actualités, comme séparées du monde réel, symboles de la société de la consommation, et images du Quartier latin des années 1960, d’une jeunesse effervescente qui travaillait sa révolte au fond des cafés, à coup d’alcool, de rock and roll et de mots. Guy Debord y met une sorte de distance, qui semble dire : « trop tard, nous n’aurons pas changé le monde ».
« Pour détruire cette société, il faut être prêt à lancer contre elle dix fois de suite, ou davantage des assauts d’une importance comparable à celui de Mai 68 », proclame-t-il dans La Société du spectacle.