Un siècle de progrès sans merci (Jean Druon)
QUATRIEME EPISODE : Ce que nous fabriquons
QUATRIEME EPISODE : Ce que nous fabriquons
À quoi nous poussent les progrès des connaissances et les luttes pour la domination ?
La production est le champ où se rejoignent les différentes énergies de l’homme et de la société, le lieu où finalement les luttes de pouvoir se
confrontent.
Un regard approfondi sur l’Allemagne du début du siècle (chez Siemens notamment), puis sur l’Amérique à partir des années 40 (au sein d’AT&T), permet de
comprendre qu’il a fallu produire non pas pour satisfaire des besoins clairement identifiés et exprimés des hommes et femmes, mais pour leur donner les moyens de poursuivre les luttes imposées
par la nécessité de l’évolution.
La croissance de la production supportée par celle de la consommation, et donc par la publicité, voilà ce que nous propose le progrès tel qu’il s’organise
actuellement.
À la fin du XXe siècle, certains tentent d’inverser cette marche dont on pressent qu’elle ne pourra se poursuivre encore longtemps.
Longtemps liés à la philosophie sous la dénomination de philosophie naturelle, la physique lorsque ses travaux devinrent manifestement utiles se rapprocha
spontanément de ceux qui souhaitaient les appliquer.
Elle laissa tomber les prétentions d’universalité et rejoignit les industries nationales.
Alors les philosophes restèrent seuls, impuissants et amers à réfléchir au sens.
Et ils durent admettre que même s’ils parvenaient parfois à entrevoir la réalité du monde ils n’avaient guère plus de moyens que les poètes pour s’opposer au cours
de l’histoire.
Celui-ci apparemment se déroulait de lui-même mû par un ressort qui nous échappait.
Et l’attrait de la modernité et de son confort masquait chez l’homme qui s’éloignait de la campagne, l’angoisse de participer à un monde absurde dont il n’était plus
qu’un maillon dénaturé.
L’homme prisonnier d’un espace social qui se confrontait à d’autres espaces sociaux n’avait pas d’autre choix que de collaborer au développement de la puissance de
ceux qui commandaient.
Déplacé de la terre à l’usine, le travailleur avait été libéré de son asservissement à la nature.
Mais c’était pour subir un autre enchaînement.